Editions Intervalles

Enquête photographique jura bernois 2019-2020

En 2019, Intervalles, le fOrum culture, les Journées photographiques de Bienne et Mémoires d’Ici ont mis au concours une bourse pour la réalisation d’un travail photographique sur le Jura bernois.

Détails sur www.enquetephotographique-jurabernois.ch

Les œuvres du lauréat, Pierre-Kastriot Jashari, un Biennois d’ascendance kosovare, désarçonnent. Éloigné des clichés « sapins – murs de pierres sèches – ateliers horlogers », il montre un développement urbain, une immigration venue parfois de loin. Pierre-Kastriot Jashari nous tend le portrait d’un Jura bernois très contemporain et nous aide à prendre conscience des changements intervenus dès la fin du 20 e siècle.

Grâce au partenariat inédit entre les quatre institutions, cette première Enquête photographique Jura bernois jouis de multiples supports de présentation. Vous aurez certainement vu les réalisations du photographe sur les panneaux de programmation itinérants du fOrum culture entre octobre 2019 et mai 2020. 

Séduit, le comité d’Intervallesa convenu qu’une sélection d’images publiées dans un numéro de la revue n’aurait pas relevé l’écriture photographique forte et personnelle de Pierre-Kastriot Jashari. C’est donc à travers un livre, publié aux Éditions Intervalleset en vente dès le 7 mai, que le public pourra découvrir ses œuvres.

En plus du livre, elles seront exposées en format géant dans le cadre des Journées photographiques de Bienne du 7 au 30 mai 2021. Les tirages de l’enquête seront ensuite intégrés aux collections de
Mémoires d’Ici, à Saint-Imier. 

À l’occasion de son 40e anniversaire, Intervallesa le plaisir d’offrir ce livre à ses abonnés afin de les remercier de leur soutien et de leur fidélité.

Textes complémentaires

Enquête photographique Jura bernois

La revue culturelle Intervalles, les Journées photographiques de Bienne, le fOrum culture et Mémoires d’Ici, Centre de recherche et de documentation du Jura bernois, ont associé leurs forces pour lancer l’Enquête photographique Jura bernois 2019-2020.

Cette nouvelle enquête peut surprendre par l’exiguïté du territoire couvert, qui ne compte guère plus de 50’000 habitants. Mais elle a pour but d’encourager la création photographique et de constituer un patrimoine iconographique régional témoignant de la vie sociale, culturelle, économique, géographique ou politique du Jura bernois.

 

Le choix du jury

Vingt-sept photographes professionnels, en provenance de toute la Suisse, ont soumis leur dossier en réponse à un appel à projets. Le jury, composé d’Urs Stahel (co-fondateur et ancien directeur du Fotomuseum Winterthur, membre externe), Sarah Girard (Journées photographiques de Bienne), Jean-Marie Hotz (Intervalles), Catherine Kohler (fOrum culture) et Sylviane Messerli (Mémoires d’Ici), a choisi à l’unanimité le projet de Pierre-Kastriot Jashari pour réaliser cette première enquête. Il a été séduit par l’écriture forte et personnelle du jeune photographe.

Le parcours proposé

Le partenariat entre les quatre institutions culturelles à l’origine de ce projet est inédit.
Il assure un spectre de diffusion large aux photographies de l’enquête, leur donnant une visibilité auprès de publics variés.
Chaque mois, d’octobre 2019 à mai 2020, une image a été affichée sur les panneaux
de programmation culturelle itinérants du fOrum culture. Les premières réalisations du photographe ont ainsi trouvé place dans l’espace public.

L’exposition présentée aux Journées photographiques de Bienne 2021 offre un écrin institutionnel à la recherche de Pierre-Kastriot Jashari. En la mettant en regard des réalisations d’autres créateurs contemporains, elle l’interroge, la compare et la confronte dans son fondement artistique.

Enfin, la pérennité de l’enquête est doublement soutenue par la publication du présent ouvrage et par son intégration aux collections de Mémoires d’Ici. Le livre, placé sous l’égide de la revue culturelle Intervalles et publié aux éditions éponymes, ouvre le champ spatial et temporel de sa réception, alors que l’incorporation dans des fonds d’archives ancre le travail dans une mémoire et le transforme aujourd’hui déjà en un patrimoine à transmettre aux générations à venir.

 

Tavannes, Bienne et Saint-Imier, mars 2021

fOrum culture
Intervalles, Revue culturelle du Jura bernois et de Bienne
Journées photographiques de Bienne
Mémoires d’Ici, Centre de recherche et de documentation du Jura bernois

ELDORADO

Le principe de l’enquête photographique, développée dans plusieurs régions de Suisse romande, est l’exploration d’un territoire défini et la construction d’un savoir à travers l’image. Lauréat de la première édition de l’Enquête photographique Jura bernois, Pierre-Kastriot Jashari propose une exploration de la jeunesse multiculturelle du Jura bernois et questionne la construction identitaire.
Pour son enquête, le photographe s’est rendu tout d’abord à Tavannes puis à Moutier, où il a découvert le SeJAC, un centre socioculturel fréquenté par la jeunesse de la région, qui est devenu un lieu phare pour sa recherche.

Ses photographies, élaborées au fur et à mesure de ses explorations et de ses rencontres sur le territoire régional, sont constituées d’une série de portraits et de paysages en couleurs et en noir et blanc qui jouent de manière subtile avec la lumière et les ombres. Bien loin de l’image rurale donnée parfois de cette région, le photographe nous dépeint une jeunesse connectée au monde à travers les smartphones et pourtant dissociée de l’environnement dans lequel elle se trouve.

À travers une démarche documentaire subjective, l’artiste donne à voir ce qui dans notre société est parfois caché, étouffé, voire inaccessible. Ses images soigneusement agencées, qui fragmentent de manière précise le réel, donnent une place importante aux zones d’ombre et aux aplats, des surfaces qui évoquent parfois les tableaux de Renoir.

Son témoignage alterne entre des portraits d’adolescents mis en scène, souvent photographiés de manière frontale, seuls ou en groupes, et entre des fragments de paysages urbains présentant un environnement constitué de façades de HLM, de murs en béton, de barrières…

Il confronte ainsi le spectateur à un espace visuel en tension. Cet espace paradoxal vers lequel le photographe emmène le spectateur est créé par un cadrage rigoureux dans lequel ce qu’il choisit de montrer, mais aussi ce qui reste hors-champ ou dans l’ombre, est minutieusement sélectionné. Son langage visuel maintient le spectateur à distance. Seule la première image de la publication nous dévoile un intérieur en gros plan et suggère une intimité possible, un chez-soi.

Alors que le titre de cette enquête, Eldorado, évoque la quête d’une île aux trésors qui regorge d’or et d’espoir au temps des conquistadors, cette démarche se révèle parfois vaine, désespérée, comme celle du jeune Soleiman dans l’Eldoradode Gaudé. Les images réalisées par l’auteur questionnent le sentiment d’appartenance de l’individu à son environnement, à ses origines, locales ou lointaines, à ses illusions, perceptibles ou fantasmées. L’univers visuel développé par l’artiste, originaire du Kosovo, né à Bienne, se construit de références multiples et parfois contradictoires, de souvenirs personnels, du monde de la musique, de celui de la peinture ou des réseaux sociaux.

Silencieuses, ses images prennent le spectateur au piège dans un environnement suspendu, souvent obstrué par une présence humaine au premier plan, comme si le sujet de sa recherche était l’individu en devenir dans un décor anonyme. Pour clore son témoignage, l’image choisie est celle d’une falaise abrupte, en noir et blanc, photographiée en contre-plongée. Des gorges qui évoquent peut-être un futur à gravir.

 

Sarah Girard
Directrice des Journées photographiques de Bienne

 

Être Suisse. Être jeune. À la lumière brûlante des identités

Le territoire de l’identité sur lequel s’aventure Pierre-Kastriot Jashari est sans doute l’un des plus périlleux qu’il soit. Il le fait ici avec maîtrise, posant un regard incisif sur notre contemporanéité, notre époque comme nos territoires. En quelques images à peine, il rend sensible la puissance créatrice des tensions entre nos réalités et nos aspirations qui structurent nos identités. Cet écart prend la forme d’un mythe, celui de l’Eldorado. Incarnation d’un espace-temps fantasmé, d’un en-dehors, au-delà, par-delà, l’Eldorado ne se définit qu’en négatif, comme la promesse d’y trouver ce qui manque ici et maintenant au profit d’un ailleurs et plus tard. C’est un mythe qui nous projette plus qu’il ne nous ancre, qui vient mettre à mal des identités que l’on voudrait invariantes, rassurantes. A travers le prisme des origines d’une jeunesse multiculturelle suisse, et plus spécifiquement du Jura bernois, Pierre-Kastriot Jashari entrecroise des dynamiques centripètes et centrifuges. Il évoque tout autant la difficulté de s’inscrire dans un territoire qui fut un Eldorado pour la génération des parents que celle de s’inventer pour leurs enfants.

 

Être Suisse. Être jeune.

Ni Suisse, ni fille d’immigrés, je ne peux saisir les enjeux personnels, intimes, familiaux, collectifs qui sont à l’œuvre ici, seulement les entrevoir et prendre acte. Pierre-Kastriot Jashari au contraire expérimente la question intimement, à travers son parcours biographique.

Et c’est sans doute pour cela que son travail évite l’écueil du pathos ou de la démonstration. Il met en images, aussi simplement que crûment, les lieux, les habitations. La dureté de leurs lignes, la neutralité des façades contrastent avec les tentatives d’une appropriation chaleureuse, ces débordements de tissus, de couleurs.

Comme des tentatives de s’ancrer dans cet Eldorado d’alors, ce pays que l’on a rejoint pour gagner en sérénité, en prospérité, et qui semble perméable à notre présence. Le propos dépasse ici le cadre du Jura bernois ou même de la Suisse. La banalité ordinaire de ces immeubles, leur totale décontextualisation autorisent un glissement vers une réalité plus largement partagée. Au Nord comme au Sud, en Europe comme en Occident, ces images évoquent les résistances à l’accueil de nouvelles cultures dans des identités toujours inquiètes de leurs évolutions potentielles. 

En allant à la rencontre d’adolescents et adolescentes, saisis dans le cours de leur recherche intime d’être, Pierre-Kastriot Jashari bouscule une seconde fois cette identité si difficile à saisir. Elle est cette fois personnelle, à élaborer de nouveau dans un tissage complexe entre héritage du passé et invention de futurs. L’attention portée à chacun, l’intensité de la rencontre avec l’auteur s’impriment dans les images.

Chaque composition semble coller à la peau de ces jeunes filles et ces jeunes hommes, les dire mieux qu’un visage ou une silhouette.
C’est un geste, une posture, une façon d’être ensemble et d’être au monde. Un monde que l’on sent comme trop étroit pour contenir la recherche d’absolu de celles et ceux qui préparent leur fuite, en avant, au dehors. Cette radicalité de la jeunesse transparaît dans le parti-pris d’une lumière crue, radicale.

Lorsque, zénithale ou crépusculaire, elle est sans concession, elle sculpte, tranche et découpe ces corps qui brûlent d’un avenir.

 

Raphaële Bertho

Maîtresse de conférences en Arts
Directrice du laboratoire INTRU, Université de Tours

Visuels

Nous vous prions d’indiquer la source de ces images. L’usage de ces images est limité à l’illustration d’un article concernant ce numéro de la Revue Intervalles. Elles ne peuvent en aucun cas être utilisées à d’autres fins.

Informations complémentaires

Responsable de la réalisation et pour plus d’informations
Jean-Marie Hotz

Descriptif technique
Format 230 x 280 mm
Contenu 96 pages intérieures

Prix de vente
CHF 35.- + frais de port
En vente dans le cadre des Journées photographiques de Bienne et sur www.intevalles.ch

ISSN 978-2-9700388-2-5
Sortie: 7 mai 2021