No 73 – Francis Giauque
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Description
Que Pétrone ou le sage Sénèque, Démosthène ou le vieil Isocrate se soient suicidés, c’était dans l’ordre antique des choses. Que Mishima ou Montherlant, Gary ou Deleuze fissent de même, c’était encore suivant une haute et ancienne conception de la liberté de l’homme. Leurs œuvres s’étaient alors déjà émancipées de leur vie et de nombreux et fervents lecteurs leur étaient acquis. Il en va autrement du désespoir moderne qui pousse des écrivains en pleine vitalité créatrice, d’aujourd’hui (Lamarche-Vadel, Pasquali) comme d’hier (Nerval, London), d’ici (Crisinel, Schlunegger) ou d’ailleurs (Maiakovski, Pavese), à se donner le coup d’arrêt irrémédiable. Et bien plus encore, quand il s’agit d’êtres tombés dans la fleur de leur jeunesse, tels Valère, Vaché, Duprey, Plath, Essenine, Dagerman, Rigaut, Egolf, von Kleist ou encore Crevel. Francis Giauque est de ceux-ci.
Son destin est celui d’un «soleil noir». A peine avait-il commencé à briller dans le jour, qu’il s’est mis à brûler dans la nuit. Comme si les dons reçus à la naissance et le talent consolidé par les exercices de la jeunesse n’avaient eu d’autre fin que de permettre de dire, aux frontières de ce qui ne se dit plus, le calvaire d’un être qui «aspirait à la lumière»1 , et qui glisse dans l’abysse du désespoir. C’est «du sang sur le soleil», ce sont «des vagues de boue où s’enlisent les chaloupes de l’espérance». Les poèmes et les proses qui nous restent de Francis Giauque ne disent que cette chute et cette angoisse dévoratrice.
Peu après la mort tragique du jeune Jurassien, le poète Jean-Georges Lossier rappelait que «ses vers lacèrent comme autant de couteaux, ses vers qu’on doit absolument lire pour suivre le versant le plus terrifiant d’une âme, et qui sont faits à la fois d’une plainte et d’une révolte, brûlants toujours d’une fraternité refusée», et nous demandait comment les personnages de ses proses «n’entreraient-ils pas en nous, eux qui n’ont vécu que pour nous rappeler l’infinitude de la souffrance, la part que nous devrions en assumer ?»
Quelle que pût être, dans le malheur, la fascination de Giauque pour le malheur; quelles que fussent la caresse médusante de l’angoisse et la terreur des braises de la nuit, il importe aujourd’hui de prendre la mesure de ce que nous confie cette œuvre.
C’est à cette tâche que la revue Intervalles souhaite apporter sa contribution, en consacrant un numéro entier à Francis Giauque, à la fin de cette année où l’on commémore les quarante ans de sa disparition.
Un groupe de lecteurs et de critiques a donc saisi cette occasion pour se pencher plus attentivement sur cette œuvre et en présenter les plus riches aspects. Il s’agit du premier ouvrage collectif de cette sorte dans le pays natal du poète et de la première monographie critique publiée dans la francophonie. Car c’est l’étonnant destin de la poésie de Francis Giauque que d’avoir pu, aussi vite qu’en Suisse, compter en France avec un cercle fidèle de lecteurs, qui se sont relayés pour que les anthologies ne manquent pas de la mentionner ni que les revues n’oublient les anniversaires de son auteur (quarantième anniversaire de sa naissance, vingtième et trentième anniversaires de sa disparition). Divisé en plusieurs parties, le présent volume souhaite donner des éclairages neufs et variés.
Après quatre textes liminaires, qui témoignent de l’attention portée à cette poésie par des poètes d’horizons très divers, quatre études visent à situer dans le paysage littéraire moderne une œuvre que l’on a parfois trop vite réduite à la biographie de son auteur. La traduction inédite de dix poèmes de Parler seul souligne du reste, s’il est besoin, la toujours brûlante présence de cette voix. Suivent les témoignages de deux de ses plus proches amis, eux-mêmes poètes, ainsi que quatre autres études autour des diverses apories d’un chant défait et d’un chemin sans merci. Deux lettres et une iconographie inédites ponctuent ce numéro spécial, une chronologie et une bibliographie détaillées, accompagnées de notices informatives, achevant l’ensemble.
Que les articles ici réunis incitent à relire cette œuvre dont les effets dysphoriques et la fulguration ne nous doivent ni estomper la valeur ni éclipser l’élaboration, et qu’ils permettent de comprendre mieux encore la place qu’elle occupe au sein des littératures francophones.
Avant-propos de © Patrick Amstutz
Informations complémentaires
Poids | ND |
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Dimensions | 17 × 25 × 1.8 cm |
Version |
Sommaire
PATRICK AMSTUTZ | Avant-propos |
JEAN-PIERRE BEGOT | L’absolu – l’errance – la mort |
FRANÇOIS BODDAERT | Une insupportable parole |
HUGHES RICHARD | L’ombre et la nuit |
DUBRAVKO PUSEK | Quelques notes avant de traduire Francis Giauque |
ARNAUD BUCHS | Tombeaux du poète |
JEAN-JACQUES QUELOZ | Résistances |
ARLETTE BOULOUMIÉ | Images et paysages de la mélancolie dans l’oeuvre de Francis Giauque |
DOMINIQUE KUNZ WESTERHOFF | La scarification cruelle |
TRADUCTION ITALIENNE DE DUBRAVKO PUSEK | Parlare solo |
GEORGES HALDAS | Un calvaire |
HUGHES RICHARD | Correcteur de nuit aux Imprimeries Réunies de Lausanne |
FRANCIS GIAUQUE | Lettre à Hughes Richard |
FRANCIS GIAUQUE | Lettre à Edmond Laufer |
PATRICK AMSTUTZ | A la mer déliée addenda |
DORIS JAKUBEC | Soleil éteint ou la brisure sans le Verbe |
ANDRÉ WYSS | Orphée déchiré avant le chant |
EMMANUEL RUBIO | Du chant d’Espagne à la chanson défaite |
PIERRE VILAR | Le poète, l’ombre et le clown |
PATRICK AMSTUTZ (avec le concours de Rolande Giauque) | Chronologie |
PATRICK AMSTUTZ (avec le concours de Jean-Jacques Queloz) | Bibliographie |
PATRICK AMSTUTZ | Notices biobibliographiques |
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