No 119 – La grève des casseroles
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Description
25 janvier 1979 : cette date n’évoque rien de particulier à la plupart d’entre nous… Et pourtant, c’est ce jour-là que de jeunes gymnasiennes et apprenties biennoises ont débuté un mouvement contestataire qui occupe une place non négligeable dans l’histoire de l’égalité en Suisse : le boycott de l’école complémentaire ménagère. À l’époque, beaucoup ont pensé : « Broutille ! », d’autres n’y ont vu qu’une lubie ou un moyen détourné d’obtenir plus de vacances… C’était faire fi du courage et de la détermination de ces jeunes femmes, mais aussi du sens profond de leur démarche : se battre pour que filles et garçons soient considérés comme égaux et ayant droit aux mêmes chances au sein du système éducatif bernois, voire même helvétique, puisque leur combat sera imité ailleurs en Suisse, et ne pas se laisser enfermer dans un rôle qui ne leur convenait pas, celui de mère au foyer. Et leur réflexion ne s’arrête pas là, car, comme le relève une boycotteuse au micro du journal régional Un jour d’été en août 1980, boycotter ce cours, c’est aussi : « Refuser toutes les discriminations, que ce soit dans l’éducation, dans la famille, dans l’école, dans la formation professionnelle, dans les salaires ». Alors quelle autre date choisir pour la parution de cette édition de la revue Intervalles qui leur est consacrée et que vous tenez entre vos mains, sinon ce mois de juin 2021 ?
L’année 2021 est emblématique des luttes pour l’égalité : elle commémore les cinquante ans du suffrage féminin au niveau fédéral et les quarante ans de l’inscription de l’égalité des femmes et des hommes dans la Constitution suisse. Si nous vivions dans un monde idéal, ces deux événements auraient dû permettre aux femmes suisses d’obtenir une égalité longtemps espérée. Pourtant, le 14 juin 1991, 500 000 d’entre elles se mettent en grève sous l’impulsion de l’Union syndicale suisse. Il s’agit d’une action symbolique qui amène les femmes à hausser la voix, car l’égalité tant attendue n’existe finalement que sur le papier. Pour un travail égal et à compétences égales, les femmes gagnent toujours moins que les hommes. Il existe également des problèmes liés aux rentes AVS, à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, aux doubles journées de travail et à la charge mentale, au manque de place dans les crèches, au harcèlement sexuel. Les femmes se parent alors de fuchsia ou de violet et mènent de nombreuses actions en ce 14 juin 1991 : débrayages, féminisation des noms de rues, grève du zèle dans les foyers, manifestations, pique-niques, cortèges. En 1996, la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes entre en vigueur. Une fois de plus, les Suissesses et les Suisses pouvaient espérer de réels changements et une application plus stricte de l’égalité. Mais le 14 juin 2019 est venu nous rappeler que, dans notre pays, les femmes affrontent encore et toujours des inégalités qui devraient pourtant appartenir au passé : salaires inégaux, rentes AVS trop basses, travail sur appel et précarisation, inexistence d’un congé paternité ou d’un congé parental, congé maternité trop court, manque de protection durant la grossesse, harcèlement sexuel toujours lié au fardeau de la preuve, violences domestiques, manque de représentation politique, discriminations liées au genre, à la couleur de peau… La mobilisation s’avère encore plus importante qu’en 1991, plus de 500 000 personnes descendent dans les rues des villes de Suisse. Et à 15 h 24 – heure symbolique à partir de laquelle les femmes ne sont plus payées – le mouvement atteint son apogée. Beaucoup d’observateurs parlent depuis de ce 14 juin 2019 comme d’un événement historique.
1971, 1981, 1991, 2019, 2021… Toutes ces années portent en elles une forte valeur symbolique dans l’histoire des femmes suisses, et peut-être même devrions-nous écrire dans l’Histoire suisse – avec un grand « H » – tout simplement, afin de lutter contre l’invisibilisation des femmes dans les livres d’Histoire. Pour illustrer les combats des femmes, il en est un qui pourrait paraître anecdotique, mais qui pourtant s’avère révélateur du fonctionnement de notre société, de l’évolution des moeurs de notre pays, de la place octroyée aux femmes et aux hommes dans les sphères publique et privée : l’enseignement ménager. Ce que nous vous proposons de découvrir dans ce numéro de la revue Intervalles, c’est un mouvement contestataire féministe biennois, mené par des jeunes femmes courageuses et qui a abouti à un changement de plan d’études qui respecte enfin l’égalité entre filles et garçons. Car, comme l’a rappelé Marion Police dans un article paru dans le journal Le Temps le 12 juin 2020 : « S’il est bien une chose indispensable pour atteindre l’égalité des droits et abolir les injustices dont les femmes font les frais, c’est l’éducation. »
En seconde partie de ce numéro, nous vous proposons de revenir sur cette histoire par le biais d’une rencontre avec l’une des grévistes de l’époque, Danièle Tosato-Rigo, aujourd’hui professeure d’histoire à l’Université de Lausanne, et Barbara Ruf, responsable du Bureau cantonal bernois de l’égalité entre la femme et l’homme. Au travers d’une interview croisée, elles évoquent l’esprit qui régnait à la fin des années 1970, début 1980, ainsi que l’importance de cette grève des casseroles, laquelle, comme de nombreux autres petits mouvements de protestation, a mis le doigt sur un problème réel et contribué aux changements de mentalités et de lois.
Informations complémentaires
Poids | 241 g |
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Dimensions | 17 × 25 × 1 cm |
Version |
Sommaire
AVANT-PROPOS | 11 |
L’ENSEIGNEMENT MÉNAGER, BIEN PLUS QU’UN COURS DE CUISINE… | 15 |
L’ÉDUCATION : UNE PRIORITÉ POUR LES FÉMINISTES | 20 |
REMONTER LE COURS DE L’HISTOIRE | 21 |
La place des femmes dans la société suisse du XIXe siècle | 22 |
L’ère industrielle ou quand le « travail féminin » devient un problème… | 22 |
Les rôles de genres se figent sous l’influence bourgeoise | 23 |
L’idéal familial bourgeois se heurte aux réalités socio-économiques | 25 |
Premiers mouvements féministes | 26 |
Suffrage féminin réclamé depuis 1909… | 27 |
La Première Guerre mondiale : renforcement des rôles de genres | 30 |
L’Entre-deux-guerres : des progrès très modestes | 30 |
La Deuxième Guerre mondiale : au nom de la Défense spirituelle | 33 |
Mère et ménagère avant tout | 34 |
Suffrage féminin enfin accepté… et ensuite ? | 36 |
Les années de révolte | 38 |
LE BOYCOTT | 41 |
Enjeux du boycott | 44 |
ENCHAÎNEMENT DES ÉVÉNEMENTS | 52 |
Les premières réactions | 52 |
Le corps enseignant face au boycott | 52 |
Suite du mouvement | 54 |
Réponse du Conseil-exécutif bernois aux boycotteuses | 56 |
En route vers le procès : soutiens et actions | 58 |
Un procès aux dimensions internationales | 59 |
Devant le tribunal | 63 |
RETOUR AU BOYCOTT, QUI S’ÉTEND AU NIVEAU NATIONAL | 70 |
NOUVEAU PROCÈS DANS UN CONTEXTE CHANGEANT | 75 |
VERS DES COURS MIXTES ET FACULTATIFS | 77 |
DE LA GRÈVE DES « CASS » À LA GRÈVE DU CLIMAT OU L’IMPORTANCE DES MICROCHANGEMENTS | 78 |
CONCLUSION | 89 |
BIOGRAPHIES | 93 |
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