No 82 – Les mennonites des hauteurs jurassiennes

Description

Après l’Année Gotthelf, organisée en 1997 pour le 200e anniversaire de la mort de l’écrivain et l’Année de la Guerre des paysans de 2003, rappelant les événements dramatiques d’il y a 350 ans, l’association touristique et économique Pro Emmental a lancé le projet Année anabaptiste 2007, sachant que l’Emmental a été l’une des régions où l’anabaptisme pacifique a pris racine, peu après sa genèse zurichoise en 1525, avant d’y être cruellement persécuté.

Il va de soi que le but premier de ces Années particulières est de promouvoir le tourisme régional. Mais, parallèlement à l’animation touristique, Pro Emmental s’est à chaque fois montrée soucieuse de ne pas en négliger les aspects culturels et éducatifs, en s’assurant le soutien et la participation d’organismes publics et privés directement intéressés par les thèmes choisis.

Ainsi, pour ce qui concerne l’Année anabaptiste, Pro Emmental s’est approchée de l’Eglise réformée et des assemblées anabaptistes en les associant étroitement à toutes les manifestations qu’elle avait organisées et en les incitant à devenir elles-mêmes activent et à prendre toutes initiatives susceptibles d’intéresser le public tant régional qu’international, les visiteurs américains, lointains descendants de la région, pouvant, selon son propre aveu, être particulièrement visés.

Il était juste, je crois, en guise d’avant-propos à ce numéro d’Intervalles, de préciser ces faits et de placer l’Année anabaptiste 2007 dans sa perspective première. A l’immense surprise de ses initiateurs, cet événement a pris une dimension et un intérêt qu’ils étaient très loin de soupçonner. Une explication complète et circonstanciée de ce succès inattendu demanderait probablement une étude beaucoup plus poussée que les quelques hypothèses et observations qui suivent et qui concernent plus particulièrement le Jura bernois.

L’intérêt premier suscité par cette Année anabaptiste 2007 trouverait une réponse dans la curiosité et la sympathie inspirées par la discrétion et la retenue traditionnelles des anabaptistes pacifiques. Cet effacement est une conséquence directe des persécutions subies et la condition sine qua non qui leur avait été imposée par les princes-évêques de Bâle pour qu’ils Avant-propos Jürg Gerber-Boillat puissent s’établir sur leurs terres et y pratiquer le défrichement et l’agriculture. En effet, malgré leur rapide adoption par la population locale en tant que pionniers de l’agriculture, ils se sont peu fait connaître en tant que membres de leur Eglise libre. Par ailleurs, il a été relevé que les livres scolaires d’histoire suisse les ignorent généralement – le Musée de la Réformation de Genève lui aussi les oublie –, comme s’il fallait ne pas réveiller de vieux démons, car le malaise relatif aux injustices qu’ils ont subies est réel. Ou alors, on est franchement mal renseigné par des écrits, mêmes contemporains, qui ressassent inlassablement les vieilles faussetés en présentant, par exemple, les anabaptistes-mennonites actuels comme les descendants assagis des exaltés violents de Münster ou de Zwickau.

Dans ce contexte, il est heureux que la revue Intervalles se soit intéressée à ces anabaptistes. Avant leur intégration graduelle à la vie sociale, culturelle, artistique, voire même politique de nos régions jurassiennes, faut-il le rappeler, ils en ont été des composants indissociables de l’histoire et de l’économie agricole. Nous ne voudrions pas taire que l’évolution interne de leur communauté n’a pas été exempte de difficultés et de  contradictions à résoudre. Ce numéro devrait également refléter ces problèmes et montrer que l’application des grandes options de l’anabaptisme pacifique – l’absence de dogmatisme, la non-violence, le respect de la liberté personnelle et ecclésiale – ont souvent permis de surmonter les obstacles.

Jürg Gerber-Boillat